Rechercher les bugs de la matrice
De nombreux chercheurs pensent donc qu’il nous faut chercher des preuves de l’existence d’une telle simulation et qu’un moyen serait d’en rechercher les « défauts », comme les « bugs » dans la « matrice » (sous forme de déjà-vu dans le film Matrix). Par exemple, ces défauts pourraient être des incohérences dans les lois de la physique. Autre gourou de l’intelligence artificielle, Marvin Minsky a pour sa part suggéré que si un programme crée plusieurs possibilités pour un événement, la somme de ces possibilités devrait être égale à 1, et si ce n’est pas le cas, c’est qu’il y manque quelque chose. Pour d’autres scientifiques, une bonne raison de penser que notre univers est une simulation est le fait qu’il « semble » conçu. Les constantes de la nature, telles que les forces fondamentales, sont réglées de telle sorte qu’un infime changement dans leurs valeurs interdirait l’existence de la matière et de la vie. Cet argument du « réglage fin » des constantes est bien connu pour servir aux partisans d’un « dessein intelligent », c’est-à-dire d’un univers effectivement conçu par une intelligence supérieure, mais qui serait une intelligence de nature spirituelle, Dieu pour faire simple. De toute façon, pour que notre univers soit le fruit d’une simulation par des créateurs, il faut que la réalité dans laquelle existent ces créateurs bénéficie elle aussi d’un « réglage fin », sans quoi elle ne peut exister.
Certains lorgnent bien sûr du côté de la physique quantique. La matière et l’énergie révèlent une nature « granulaire », et il existe une limite à la résolution avec laquelle nous pouvons observer l’espace, en-deçà de laquelle il devient « flou ». Selon Smoot, il s’agit là de caractéristiques auxquelles on pourrait s’attendre dans le cadre d’une simulation, comme la pixellisation d’un écran que l’on regarde de trop près. Un autre argument est que l’univers semble pouvoir être décrit par des lois mathématiques, comme on s’y attendrait dans le cadre d’un programme informatique, sauf que le physicien français Philippe Guillemant ferait ici un indispensable distinguo entre le langage des équations et celui des algorithmes. Pour le physicien Max Tegmark, c’est en effet ce à quoi il faut s’attendre si les lois de la physique sont basées sur un algorithme informatique. Mais cet argument apparaît également circulaire, car si une super intelligence conduisait des simulations de son propre monde, elle en ferait reposer les lois physiques sur les mêmes lois que son propre univers, comme nous le faisons nous-mêmes. Dans ce cas, les lois de notre monde sont mathématiques non pas parce qu’elles sont issues d’un programme informatique mais parce que le « vrai » monde fonctionne également ainsi. Nous ne pouvons donc pas induire que notre monde est une simulation à partir du fait que ses lois sont mathématiques.