Une cause transcendante et immanente
Croire ou savoir que l’on peut s’affranchir de cette réalité illusoire mais qui constitue cependant le sens de notre réalité incarnée, conduit nécessairement à un questionnement de nature spirituelle. Si la conscience est omniprésente à la fois dans notre expérience de la réalité matérielle, de la réalité énergétique et d’une réalité où l’expérience devient pure conscience, il faut reconnaître au panpsychisme une certaine pertinence. Mais la question reste : quelle est la source de cette conscience qui, en particulier lorsqu’elle s’affranchit de son interface matérielle, est capable de faire l’expérience du beau, du bien et du bon jusqu’à une démesure extatique, et se révèle incomparablement plus riche de sens que l’existence purement sensible et matérielle ?
Là où la TII redonne un certain crédit au panpsychisme, le travail de l’Institut Esalen en Californie à qui l’on doit Beyond Physicalism réintroduit pour sa part une notion philosophique plutôt ignorée : le panenthéisme. A la différence du panthéisme d’un Spinoza (Dieu est tout), endossé par de nombreux scientifiques dont Einstein et qui suppose qu’une intelligence supérieure, « divine », se révèle dans l’agencement de la nature, le panenthéisme (tout est dans Dieu) considère que l’existence du réel a une cause à la fois immanente et transcendante. La doctrine est attribuée au philosophe allemand Karl Christian Friedrich Krause : non seulement le divin existe et interpénètre toutes les parties de la nature, mais en plus il se déploie au-delà d’elle. On peut rapprocher ce concept de celui de Brahman dans l’hindouisme, mais aussi du néoplatonisme dans la tradition occidentale. En ce qu’elle est transcendante, la nature ultime de la « divinité », de la source ou de la cause, nous échappe. Mais parce qu’elle est immanente, elle se révèle en même temps dans tout ce qui existe, tout ce qui constitue l’expérience humaine, animale, végétale, etc. En tout cas, elle est Une et unique, sans division, et à ce titre il est faux de parler de dualisme à propos des chercheurs qui rejettent le physicalisme émergentiste. Même si la conscience ne peut se réduire à son interface matérielle et énergétique – le cerveau -, son origine, sa source est la même que celle de la matière. Les neurosciences, si elles accueillent véritablement la philosophie en leur sein, ne pourront pas faire l’économie de prendre en compte cette dimension spirituelle de l’être et de l’existence, car la vie de l’esprit est ce à quoi se réduit véritablement la vie matérielle et physique, et non le contraire.