Qu’est-ce que la conscience ?
Il ne s’agit pas là des seules difficultés auxquelles la science fait face. Dans le domaine des neurosciences, la question de la conscience elle aussi reste une énigme pleine et entière. Pour le courant de pensée dominant, la façon dont la conscience « émergerait » de l’activité du cerveau est irrésolue. C’est ce que le philosophe David Chalmers a appelé le « problème difficile » de la conscience. Mais penser que la conscience émerge de l’activité cérébrale est en soi un biais considérable, car bien des données incitent à penser que le cerveau agirait bien plus probablement comme le filtre ou la valve de réduction d’un vaste champ de conscience afin de nous permettre de faire l’expérience de la réalité matérielle. Les vécus de « conscience étendue » de multiples natures, du voyage chamanique aux perceptions extrasensorielles, en sont des illustrations. L’épistémologue et physicien Michel Bitbol a lui aussi montré dans un ouvrage récent et magistral (La conscience a-t-elle une origine ?) que le problème de la conscience se heurte à un mur d’incomplétude. Pour comprendre la conscience, nous n’avons en effet qu’un seul outil qui est la conscience elle-même. Toute notre expérience du monde se rapporte en effet à la conscience et comment celle-ci pourrait-elle prétendre se saisir pleinement d’elle-même ? Dans la quête d’une compréhension complète de la conscience, un incontournable « point aveugle » se dresse sur la route. Seule une méta ou supra-conscience peut comprendre la conscience. A peine pouvons-nous comprendre la conscience « ordinaire » à partir de ses états extraordinaires : états modifiés de conscience, états de conscience minimale, locked-in syndrom, etc. mais quant à comprendre la totalité de ces états et obtenir une image globale de ce qu’est la conscience, nous en sommes très loin.
En amont, ou en-deçà, de la conscience réflexive, celle par laquelle nous pensons et savons que nous existons, se trouve la conscience primale, fondamentale, qui est simplement la conscience d’être, explique Michel Bitbol. De façon tout à fait intéressante, cette réflexion philosophique qui emprunte à la phénoménologie rejoint les conceptions orientales de la conscience, celles qui viennent de l’hindouisme, du bouddhisme et d’autres traditions spirituelles. On y parle de « conscience pure », de « claire lumière », d’états d’être sans forme ni pensée. Cette simple conscience d’être est également mise en avant par des enseignants contemporains tels qu’Eckart Tolle ou Jeff Foster qui nous appellent seulement à être présents, dans l’instant, sans jugement ni projection d’aucune sorte. Parvenir à vivre ainsi correspond à ce que les traditions nomment l’éveil.